Le rôle du calendrier lunaire.
Au niveau des cultures :
C’est la deuxième caractéristique de la biodynamie : la prise en compte des phases de la Lune et de son passage devant les constellations du zodiaque.
La biodynamie prend en compte trois rythmes lunaires différents. D’abord, le rythme sidéral : il s’agit du passage de la Lune devant les douze constellations du zodiaque lors de sa rotation annuelle autour de la Terre (une constellation par mois). Il y a ainsi des périodes favorables au développement des racines (lorsque la Lune est devant les constellations du Taureau, de la Vierge et du Capricorne), des périodes favorables aux feuilles (Scorpion, Cancer et Poissons), des périodes propices aux fleurs (Balance, Gémeaux et Verseau) et des périodes qui agissent sur les fruits (Bélier, Lion et Sagittaire). Il y a ensuite le rythme tropique, qui correspond aux phases de Lune ascendante et descendante. « Ce mouvement induit une force qui pousse les plantes soit à s’élever, soit à former des racines » (Laurent Dreyfus). Ainsi faut-il, par exemple, labourer et épandre le compost en phase descendante et récolter les fruits en phase ascendante. Enfin, il y a le rythme synodique, qui correspond aux phases croissantes et décroissantes de la Lune (l’alternance entre pleine Lune et nouvelle Lune), mais cela concerne le jardinage plutôt que la viticulture.
Maria et Mathias Thun ont mis au point un calendrier annuel (vendu chaque année 10 euros par la Maison de la Culture Biodynamique de Colmar) qui dresse la liste des jours favorables pour chaque application. Ces jours favorables sont répartis en quatre catégories : jours feuilles, jours fruits, jours fleurs et jours racines. Les soins apportés à la vigne en jours feuilles favoriseront son développement végétatif ; en jours fruits, ils faciliteront la croissance du fruit ; en jours racines, ils renforceront l’activité racinaire et en jours fleurs, ils amélioreront la florescence. La vendange, par exemple, doit s’effectuer de préférence en jours fruits — tout en sachant bien sûr que si la météo n’est pas favorable, on récoltera avant qu’il se mette à pleuvoir, que l’on soit en jours fruits ou non.
« L’influence de la Lune sur le mildiou et le botrytis, c’est essentiel », déclare Alain Moueix (Château Fonroque, grand cru classé de Saint-Émilion). « Je tiens énormément compte du calendrier, déclare Jean-Marc Dournel. La taille ou l’épandage des préparats doivent avoir lieu en lune descendante. Une silice, par exemple, il faut l’appliquer avant le lever du jour. En automne, avant la chute des feuilles, je l’applique avant la fin du jour, vers 16 ou 17 heures, pour faire retourner l’énergie dans les racines. Par ailleurs, ajoute-t-il, la vigne est bien plus sensible aux maladies certains jours que d’autres. » « On va se servir de la phase de Lune descendante parce que l’élément eau y est très important, explique Frédéric Duseigneur. Labourer en Lune descendante va donner une impulsion au système racinaire. Si vous labourez en Lune montante, l’eau va s’évaporer ». Quant aux influences planétaires sur le monde végétal, Maria Thun y a consacré de nombreuses expériences. Par exemple, explique Frédéric Duseigneur, « la planète qui influence le système floral est Vénus. La planète qui a une influence directe sur le système foliaire et les échanges aériens, c’est Mercure. Mars amène une chaleur puissante. Jupiter est lié à la montée des sucres et à la maturation du fruit. Saturne, à la fin du cycle végétatif, va influencer le retour du germe en terre. » « Si on veut aller au fond des choses, ajoute-t-il, il faut s’intéresser à cet aspect » — même si peu de vignerons, il faut le dire, poussent leur intérêt pour la biodynamie à ce point-là.
En vinification
Le travail en cuverie tient compte également du calendrier lunaire. Certaines des phases de la vinification (le soutirage, la filtration, la mise en bouteilles) ont lieu de préférence en Lune descendante, en jours fruits et en jours fleurs, afin de favoriser l’expression aromatique du vin. « La Lune descendante a un effet réducteur — qui est l’inverse de l’effet oxydatif —, ce qui permet de resserrer les parfums et de préserver les arômes au soutirage et à la mise », explique Frédéric Duseigneur. Certains vignerons utilisent aussi des vasques de dynamisation, destinées à clarifier le vin par sédimentation après le soutirage. C’est le cas au Domaine Pierre Frick : ces vasques servent à « aérer les jus de pinots noirs de manière rythmique, grâce à leur forme » et permettent « une aération douce, contrairement aux baquets ». Enfin, mais cela semble évident quand on travaille en biodynamie, on ne recourt ni au levurage, ni à la chaptalisation, ni au collage. Certains, comme Anne Godin (Château Vent d’Autan, Cahors), soulignent que la qualité des raisins vinifiés permet aisément de se passer de levures extérieures — ce qui paraît normal de la part de vignerons assez exigeants pour travailler en biodynamie. D’autres encore, tels le Domaine Pierre Frick ou le Château Vent d’Autan, poussent le soin jusqu’à limiter au maximum l’emploi de soufre (et le cahier des charges du label Demeter, dont Anne Godin a contribué à la rédaction, pousse en ce sens).